vendredi 27 novembre 2015

Étrangers chez soi...

Publié le 26 novembre 2015 dans La Riposte, vol. 36 no 7.

La guerre des Six Jours de 1967 s’est conclue par l’annexion par Israël de la Cisjordanie et de la partie orientale de Jérusalem. Même si l’occupation de ces territoires a toujours été considérée illégale par la communauté internationale, Israël désigne unilatéralement la « Jérusalem réunifiée » comme sa capitale. Les 66 000 Palestiniennes et Palestiniens alors présents à Jérusalem-Est se voient offrir la citoyenneté israélienne, moyennant allégeance à Israël. La plupart refusent et obtiennent plutôt un statut de résidents permanents en Israël. Il s’agit de la seule occurrence où un pays occupant accorde un statut d’étranger à la population indigène.

La vieille ville, située à Jérusalem-Est, contient la plupart des lieux saints et touristiques : le tombeau du Christ, l'esplanade des mosquées, le Dôme du Rocher, la mosquée Al-Aqsa, le Mur des Lamentations et plusieurs autres. 

La carte d’identité bleue qui témoigne de ce statut particulier est importante pour celles et ceux qui la possèdent; elle accorde à sa détentrice ou son détenteur une plus grande liberté de mouvement sur le territoire que celle dont jouissent les Palestiniennes et Palestiniens d’Israël ou de Cisjordanie. Les premiers, qui ont abandonné leur identité palestinienne, se voient interdire l’accès aux territoires occupés (trop dangereux, dit-on) alors que les seconds ne peuvent pas circuler en Israël sans l’obtention d’un permis spécial. De plus, le statut de résident leur donne accès aux systèmes de sécurité sociale et de santé d’Israël, incomparables avec ceux de la Cisjordanie.

Malgré son nom, ce statut est loin d’être permanent. Le statut de résident permanent peut être révoqué à tout moment par Israël, et les Palestiniens qui le possèdent doivent continuellement prouver que Jérusalem est au « centre de leur vie ». Pour le vérifier, des inspecteurs municipaux peuvent se présenter à l’aurore pour vérifier que le lit est occupé, que la brosse à dents est humide et que les factures d’électricité et d’eau sont bien acquittées. Partir de la ville quelques jours est donc pratiquement hors de question. Sans cette carte d’identité, on doit dire adieu à son travail, sa maison, ses amis et sa famille. Entre 1967 et 2008, plus de 14 000 Palestiniennes et Palestiniens ont perdu leur droit de résidence (1) .

Présence israélienne non équivoque dans les rues de Jérusalem-Est.

Le statut de résident permanent accordé aux Palestiniens n’est pas transmissible aux membres de la famille immédiate. Le mariage entre des Palestiniens de Jérusalem et de Cisjordanie peut être extrêmement déchirant. Alors qu’un des conjoints ne peut se permettre de s’absenter de la ville, l’autre doit demander la permission pour s’y rendre. La complexité de la démarche permettant à un conjoint d’obtenir la citoyenneté hiérosolymite s’est alourdie après la seconde Intifada et les « processus de réunification familiale » sont de plus en plus laborieux, coûteux et rarement fructueux.

La stratégie israélienne dans cette situation est de rendre la situation des Palestiniennes et Palestiniens vivant à Jérusalem insoutenable en les séparant physiquement et administrativement de leurs consoeurs et confrères de Cisjordanie. En les incitant à quitter de leur propre gré cette ville « trois fois sainte », Israël aura beau jeu d’argumenter pour faire de Jérusalem sa capitale. Mais les Palestiniennes et Palestiniens que nous avons rencontrés sont tous déterminés à ne pas quitter : « rester, c’est résister ».


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1. ALYAN, N.A., 2012. Policies of Neglect in East Jerusalem. The Association for Civil Rights in Israel.

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